
Genre : monologue
Distribution : 1 à plusieurs femmes
Editeur : Art et Comédie
Résumé : La Fontaine
Avec tendresse, humour, émotion et
Beaucoup de sincérité aussi,
Comme dans la vie, comme dans un film ou
Dans toutes ces choses vues à la fenêtre
Elle(s) di(sen)t
Elle(s) raconte(nt)
Elle(s) parle(nt) des
Femmes qu’elle(s) aimerai(en)t être, des
Garçons aux allures de conquérants, des
Hommes qui traversent les rêves à l’
Infini… comme dans un
Je.
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Extrait
JUSTINE
Il est beau. Il m’énerve. Il m’énerve à être beau. Il est là, à côté de moi, il me sourit de toutes ses dents. Et ça m’énerve. Pourquoi a-t-il encore toutes ses dents ? A son âge ? Et moi pas ? C’est agaçant. Je ne me souviens pas qu’il ait été aussi beau. Même lorsqu’on s’est connus. Il était pas mal mais sans plus. D’ailleurs je n’étais pas jalouse de mes copines. Maintenant si. Elles sont toutes à me dire « kesskilébo ton mari ! ». Comme si elles le découvraient pour la première fois. Ou alors « il a un charme fou ». C’est pas juste. Pourquoi lui ? Pourquoi pas moi qui ait été Miss Picardie ? Pourquoi mes rides me vieillissent ? Pourquoi les siennes l’embellissent ? Pourquoi mes cheveux blancs font comme si j’avais de la toile d’araignée sur la tête ? Pourquoi les siens lui font une nuque argentée très empereur romain ? Pourquoi ? C’est pas juste.
Il a la vue qui baisse, le pauvre chéri, ça l’oblige à plisser les yeux pour voir au loin. Elles disent que ça met du mystère dans son regard. A moi, elles disent : « t’as les yeux fatigués, ma chérie ». Fais chier !
Avant, quand on se promenait tous les deux, j’avais le sentiment de sortir mon cousin de province. A présent il me tire comme on tire sur la laisse de son chien. Avant c’était MON petit ami, maintenant je suis SA femme.
Il est grand. Il a toujours été grand. Mais là j’ai l’impression qu’il a encore grandi. Ou c’est moi qui me suis tassée. Il est grand et mince. Pantalon 44 sans problème. Il entre dans un magasin et il ressort avec le même modèle que le mannequin de la vitrine. Moi j’ai toujours des retouches à faire. « Vous repasserez demain ». C’est pénible.
Si au moins il était mufle ! Après tant d’années partagées ça serait presque normal. Mais non, il est encore gentil, il m’emmène partout où il va, et il me présente, et il m’ouvre la portière de la voiture, et il pense aux anniversaires, il m’offre des fleurs, et il me dit qu’il m’aime, qu’il est heureux, qu’il veut m’emmener en Polynésie…C’est affreux ! Je suis sûre qu’il ne me trompe même pas. Moi je le trompe, bien sûr, mais ça ne m’apporte rien. Ils sont tous moins bien que lui, c’est pénible. Alors ça me rend triste. Et je pense que s’il l’apprenait il serait terriblement malheureux alors je culpabilise, je deviens nerveuse, pas douce et ça me gâche le plaisir. Je lui cherche un défaut je n’en trouve pas, c’est exaspérant ! C’est comme se retrouver toute nue face à un revolver. Je me sens terriblement vulnérable. L’imperfection rassure les gens comme moi. Le monde qui nous entoure n’est pas fait pour un type parfait. Je me sens mal. Mal auprès de lui, mal avec lui, mal en face de lui. Parce qu’il rayonne de bonheur. Et que moi, trop de bonheur, ça me met mal à l’aise. Je ne suis pas préparée à ça. C’est pas humain. Ce type qui vit avec moi n’est pas humain.
Faudrait que je le quitte, pour un vrai con ! Un moche, con et beauf, bien beauf, qui regarde les mangas à la télé et qui vote extrême droite. Une brute qu’aurait une revanche à prendre dans la vie, qui n’aurait aucun scrupule à casser la gueule à ce connard en costume qui se permet de poser sa sale patte bagousée sur moi et de m’embrasser tendrement en questionnant : « A quoi tu penses ? Tu as le front tout plissé. Tu as des soucis ? » Et voilà ! En plus j’ai le front plein de plis ! A cause de lui. Je dois avoir une tête de lémurien névrosé.
(elle pleure doucement sur elle-même)
C’est rien, je lui réponds, tu sais bien que c’est la période des pollens. Regarde, j’ai les yeux rouges. Et du mal à respirer…Et lui bien sûr, il me tend sa Ventoline avec un grand sourire.




