
Genre : comédie co-écrite avec Jonathan Kerr
Distribution : 2 hommes
Durée : 1h30
Editeur : L’Harmattan
Résumé :
Bob et Phil sont deux comédiens en frontière de la retraite. Ils font partie de ces comédiens qu’on a vu au théâtre, à la télévision et dans des films mais dont le grand public n’a pas retenu le nom. Ayant flambé sa vie, Bob vient demander un hébergement à son vieux copain Phil. Ils vont donc cohabiter tant bien que mal, ressasser leurs rêves disparus, leurs souvenirs vacillants et leurs espoirs étriqués. L’amitié est solide entre eux mais ce serait trop facile de l’admettre alors ils se chamaillent comme des gosses et menacent de se quitter alors qu’ils ont un réel besoin l’un de l’autre. En onze tableaux qui sont comme onze petites tranches de vie, ils vont nous ouvrir leurs cœurs et leurs émotions, sans pudeur, cheminer vers la « séniorité » avec l’humour à la boutonnière et la dérision en bâton de vieillesse.
Pour se le procurer, cliquer ici
Extrait
…/…
L’ARRIVEE
Bob arrive avec une valise dans chaque main. Phil l’accueille.
BOB
Ma fille m’a foutu à la porte. Je me suis souvenu qu’un jour tu avais dit « si jamais tu te retrouves dans la panade, tu peux compter sur moi ». Alors me voilà. Tu l’as bien dit ?
PHIL
Oui, oui.
BOB
Tu vois, j’ai bonne mémoire, je m’en suis souvenu.
PHIL
Ce serait difficile de pas s’en souvenir, je te l’ai dit hier.
BOB
Ah bon ? Quand ça ?
PHIL
Quand tu m’as dit que ta fille te faisait chier et que ça allait éclater.
BOB
Hé ben ça n’a pas trainé. Hier soir elle est rentrée énervée et elle m’a dit : tu fais tes valises et demain je veux plus te voir.
PHIL
Qu’est-ce que t’avais fait ?
BOB
Rien. Elle est toujours sur les nerfs.
PHIL
T’avais bien fait quelque chose ?
BOB
Deux fois rien, je fumais un pétard avec son fils.
PHIL
Quel âge ?
BOB
Le pétard ?
PHIL
Non, ton petit fils.
BOB
Douze, treize, c’est l’âge où on commence, non ? Je lui ai dit, à ma fille, je lui ai dit : tu veux en faire un arriéré mental, un mongolien, un attardé social et psychotropique ? Un jour on lui proposera une saloperie chimique qui lui détruira le cerveau alors que là, je lui fais découvrir des choses saines, qui ont fait leurs preuves depuis mai 68.
PHIL
Fallait pas lui dire ça. Tu sais que les nouvelles générations coincent sur nos années bonheur.
BOB
Comment on peut coincer sur le bonheur ?
PHIL
Le bonheur des uns n’est pas forcément celui des autres. Ça évolue le bonheur. On t’aurait foutu entre les mains un truc avec des manettes pour faire bzing-bzing et tuer la moitié de la planète, t’aurais été heureux ?
BOB
Ah non ! Moi c’était peace and love. Je jouais à la marelle avec ma cousine, c’est te dire !
PHIL
Ah les babas que vous étiez, toi et ta famille ! Maintenant le kif des mômes c’est de tuer des tonnes de méchants. Sauf qu’on sait plus trop qui c’est les gentils et qui c’est les méchants. Alors le bonheur, elle peut pas comprendre ta fille, nous c’était pour rejoindre le nirvana qu’on fumait !
BOB
Elle m’a viré mes plantations que j’avais sur le balcon. Directo dans le bac aux déchets ménagers, même pas dans les déchets végétaux, non, dans le tout venant. Elle pratique pas le tri sélectif.
PHIL
Te plains pas, elle aurait pu faire la même chose avec toi.
BOB
Rigole ! C’est une coincée, je te jure. Elle tient pas de moi. L’autre jour elle m’a engueulée parce que j’avais vidé ma tasse à café dans la gamelle du chien. Il était tout mou, son clebs, un corniaud qui quitte pas ses coussins, ça pouvait lui faire que du bien.
PHIL
Je sais pas si les chiens aiment trop ça.
BOB
Elle gueulait : tu veux me le tuer, mon chien, et puis je t’ai déjà dit cent fois de pas foutre tes clopes dans la tasse à café !
PHIL
Ici non plus on fout pas ses clopes dans les tasses à café.
BOB
Ah bon ? Mais on les fout où alors ?
PHIL
Commences pas. T’iras fumer dehors. Et d’abord j’ai pas dit que j’avais de la place pour toi.
BOB
Ah si ! Tu l’as dit hier. Et même que t’avais des larmes dans les yeux. Moi ça m’a tout retourné l’intérieur une telle générosité spontanée. T’as dit : ça me rappellera quand nos vieux nous mettaient en colo et qu’on dormait dans le même lit.
PHIL
Oooooh mollo ! Hier j’avais forcé sur le Pimm’s, tu m’as saoulé avec tes malheurs et moi j’ai la larme qui vient facilement, mais aujourd’hui c’est niet pour faire draps communs.
BOB
J’y tiens pas plus que ça, tu dois dégager du butane pendant ton sommeil.
PHIL
Bon ben tu vas prendre la chambre de mon fils…mais c’est pas ad vitam, j’ai des habitudes de solitaire, moi.
BOB
Moi aussi.
PHIL
On va rédiger une chartre d’entente cordiale. Les tours de vaisselle, le linge sale dans des corbeilles séparées, deux clayettes chacun dans le frigo et une minuterie sur la douche.
BOB
On voit que t’as fait l’armée, toi.
PHIL
Et puis on respecte l’intimité de l’autre.
BOB
Valable, rien à dire.
PHIL
Et puis va falloir te chercher un studio, vite fait.
BOB
Je sais bien. Mais avec mon intermittence qui vient de se terminer, ça va pas être facile.
…/…

