
Genre : comédie
Distribution : 2 femmes, 1 homme + 1 homme muet
Durée : 1h30
Editeur : L’Harmattan
Résumé :
La B6 est une vitamine importante, nécessaire pour le bon fonctionnement du système nerveux. Trois employés d’une même entreprise ont rendez-vous dans la salle B6 pour des motifs différents et leur système nerveux va être mis à dure épreuve. Tout d’abord par ce dilemme : pourquoi tous à la B6 ? Puis par une angoisse : qui est ce quatrième personnage mutique qui les rejoint ? Puis enfin par cette interrogation cruciale : pourquoi trois chaises alors qu’ils sont quatre ?Le questionnement induit fatalement une tension, une tension galopante et oppressante rythmée par une voix synthétique qui appelle les humains comme pour un jugement dernier. Et si la B6 était tout simplement notre conscience ?
Texte à demander à l’auteur
Extrait
…/…
JERÔME
Je suis le premier.
SOPHIE
Bonjour monsieur.
Le vieil homme ne répond pas et ne regarde personne.
EMILIE
On dit bonjour quand on est poli. Vous êtes qui ?
Pas de réponse, l’homme reste immobile, le regard fixe.
SOPHIE
Pas très causant.
JERÔME
Monsieur est peut-être dur de la feuille.
EMILIE
Quelle feuille ?
JERÔME
Sourd.
EMILIE (fort)
Hé ho, vous venez pour quoi ? Pour la chorale, pour le DRH ou pour la direction ?
Pas de réponse.
JERÔME
On dirait qu’il ne veut pas communiquer avec nous. En tous cas s’il vient pour rencontrer le directeur, je suis avant lui.
SOPHIE
Vous ne pensez pas que ce monsieur est trop âgé pour travailler encore dans l’entreprise ?
EMILIE
Si. Il est carrément hors service.
JERÔME
Vous avez raison. Ce doit être un visiteur qui s’est égaré. Monsieur ! La sortie c’est par là !
SOPHIE
Rien du tout. Il n’est pas connecté. On dirait une statue.
EMILIE
Une vieille statue. Moi, il me fait penser à mon père. Je lui parlais, il n’écoutait pas. La tête toujours dans son journal. Et à la fin du repas, il le pliait et il repartait au travail, sans dire ni bonjour ni merci ni merde ni bisou. Et le soir, rebelote. Il relisait son journal de la première à la dernière page. Et après le dessert, il le repliait, le rangeait près de la cheminée et montait se coucher. Motus et bouche cousue. Je sais pas comment ma mère pouvait supporter ça. Un jour, moi, j’en ai eu marre, j’ai chopé une grosse araignée et je l’ai enfermée dans son maudit journal. Et le soir, quand il l’a déplié, elle est tombée dans sa soupe. Plaf ! Oh la tête ! J’ai eu droit à une bonne fessée mais on a bien rigolé avec ma mère.
JERÔME
Bon, celui-là, ce serait bien qu’il parte parce qu’il cocote un peu.
EMILIE
Et de plus il m’a piqué ma chaise.
SOPHIE
Vous trouvez qu’il sent mauvais ?
JERÔME
Il sent le bonhomme qui se néglige, presque tous les vieux se négligent. Je suis sûr que votre père se négligeait, non ?
EMILIE
Qu’est-ce que ça peut vous foutre ? Vous pensez qu’on sent Habit Rouge de Guerlain sur les chantiers ?
JERÔME
Oh, moi je disais ça pour causer, pas pour me faire engueuler.
EMILIE
J’aime pas qu’on touche à mon père.
JERÔME
Pourtant vous l’avez bien amoché avec votre histoire.
EMILIE
C’est mon père et j’en dis ce que je veux. C’est pas une autorisation que je délivre à n’importe qui.
SOPHIE
Le mien travaillait dans l’imprimerie mais l’ancienne imprimerie, vous savez, celle à l’encre et au plomb, avec les casiers et les colonnes qu’on doit lire à l’envers. Il était très coquet. Jamais il ramenait l’odeur de son travail à la maison. Il se mettait de l’Aqua Velva, une lotion après-rasage, j’aimais bien. Maintenant il ne sent plus.
EMILIE
Il est mort aussi, ton père ?
SOPHIE
Non, il s’est laissé pousser la barbe.
JERÔME
Le mien travaillait dans une étude, il était notaire…
EMILIE
On s’en fout.
SOPHIE
Non, pas moi. J’ai envie de savoir.
…/…