Burlingue

Genre : Comédie

Distribution : 2 femmes, ou 2 hommes (Une bière dans le piano)

Durée : 1h20

Editeur : Art et Comédie

Résumé : Deux employées modèles, collègues depuis des années, astreintes à des tâches simples et répétitives, entrent en conflit pour une gomme que l’une possède et dont l’autre a besoin. Ce conflit, absurde comme la plupart des conflits, symbole de toutes les luttes de pouvoir, dégénère au point de devenir un affrontement terrible, féroce, sans concession, inexorable.

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Extrait

…/…

JEANNINE
Une lettre c’est un peu d’amour, Simone. Et je vous aime, Simone…
Jeannine avance lentement sur Simone le marteau à la main.…
Oui, je vous aime, je crois.
SIMONE
Vous ne savez plus ce que vous dites, c’est la cafetière qui est entartrée.
JEANNINE
Je vous aime Simone, j’ai dit.
SIMONE (montrant la démarcation)
Vous êtes chez moi, armée d’un marteau qui plus est ! Sortez, déguerpissez au plus vite ou j’appelle la police.
Jeannine abat brutalement son marteau sur le bureau de Simone.
JEANNINE (hurle)
JE VOUS AIME !!!

Simone reste pétrifiée devant le carnage et la violence du geste. Jeannine reprend son explication d’un ton calme, comme si son coup de marteau n’était qu’un point en bout de phrase.
JEANNINE
Je vous aime, c’est vrai. J’aime la race humaine, j’ai toujours espéré en elle. Et en la femme tellement plus qu’en l’homme. Oh, je n’ai jamais pensé que l’homme était foncièrement mauvais, ni égoïste, ni cupide, ni roublard, non, rien de tout cela… ni menteur, ni coureur, ni lâche, ni pervers…Non, je pense que l’homme est malade, incurablement malade de porter sa virilité, et que ce combat permanent l’entraîne sur des chemins où il se fourvoie parfois. La femme, elle, est débarrassée de ces contingences freudiennes. Vous même, en consacrant votre vie à votre travail et à votre foyer, de façon si magistrale…
SIMONE
Ne jouez pas les prophètes pour un auditoire peu attentif. On ne m’attrape pas avec du miel, moi.
JEANNINE
Je ne cherche pas à vous attraper, Simone. Je ne veux que vous faire entrevoir notre ressemblance. Nous sommes jumelles, coulées dans cette pièce comme des nichons dans une brassière. Je suis vous, vous êtes moi, nous naviguons sous le même pavillon, nous courons pour les mêmes couleurs. Quand je respire c’est avec votre permission, quand vous toussez c’est que j’en ai envie…
SIMONE
Le miel, toujours le miel.
JEANNINE
Mais non, Simone, c’est le cœur qui s’ouvre sous la trop forte marée de mes sentiments. Il y a des années que j’ai envie de vous le dire et que je me tais parce que ce n’est pas convenable….vous êtes belle…
SIMONE
Mais non.
JEANNINE
Si, vous êtes belle, moi je vous trouve belle et… j’ai envie de vous.
SIMONE
Qu’est-ce que c’est que cette comédie ? Vous êtes complètement maboule.
JEANNINE
Parfois vous travaillez, je lève les yeux et je vous vois. Vos paupières sont baissées sur l’ouvrage, de votre front transpire une légère brume argentée, si jolie sous le néon, vos narines, palpitantes comme des colombes, frémissent sous l’effort…
SIMONE
C’est fini, oui ?
JEANNINE
… C’est trop beau ! Je reste un siècle à vous contempler et c’est à chaque fois le siècle le plus court de l’année. S’il n’y avait pas ces montagnes de préjugés, ces histoires aspergées à l’eau bénite, je franchirais le Rubicon de nos dossiers pour venir vivre dans la chaleur de votre haleine, je subirais liposuccion sur liposuccion pour être plus près de votre corps, je ferai ombre commune avec vous ! Savez-vous que mon modèle c’est vous, ma religion c’est vous, l’immaculé conception, le fléau de Dieu, le scooter des neiges et même le parachute ascensionnel de ma perdition c’est vous, c’est vous, C’EST VOUS ! Tiens, je l’avoue, je ne suis qu’une infâme copieuse. Cette eau de toilette que je tente de cacher en fumant aux cabinets, c’est la votre.
SIMONE
C’est bien ce qu’il me semblait.
…/…