Équinoxe

Genre : drame social

Distribution : 2 hommes, 2 femmes

Durée : 1h30

Editeur : Art et Comédie

Résumé :

Le bistrot de Dudu ne déborde pas de clientèle en ce temps de marée d’équinoxe pluvieuse. Gaby apporte son poisson et sa tristesse, Lily son caractère de cochon et l’étrange Magali une valise qui ne semble pas contenir grand-chose. Et ces quatre-là vont partager un moment d’humanité intense, entre rire et larmes, entre silence et bourrasque.

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Extrait

…/…

LILI

Dehors !

GABY

Il pleut.

LILI

Dehors !

GABY

Si je laisse la porte ouverte ?

LILI

Pour qu’on attrape la crève ? Dehors !

       Gaby garde sa cigarette au bec sans l’allumer. Dudu lui apporte son café et le calva.

GABY

Tu t’en prends un Dudu ?

DUDU

Faudrait pas…le cœur… mais bon…

       Il va s’en préparer un.

GABY

T’en prends un Lili ?

LILI

Non.

GABY

C’est moi qui paye.

LILI

Tu ferais mieux d’économiser.

GABY

Ça me regarde. T’en veux un ?

LILI

Non. Et pis j’ai du travail.

       Elle va déposer un seau d’eau et un balai brosse près d’une table inoccupée.

LILI

Regarde-moi ça. Il retourne les chaises alors que c’est pas lavé. Et pis les verres. Tu les as vus les verres ?

GABY

Non.

LILI (à Dudu)

Vous les avez vus les verres que vous avez lavés ?

       Elle fonce derrière le zinc et y prend un verre qu’elle tourne dans la lumière.

LILI

C’est-y propre ça ? On voit encore les traces de doigts. Et celui-là, du rouge à lèvre. Sont tous à relaver. Faire et refaire c’est pas du boulot. Vous m’aidez point Dudu, vous me compliquez le travail.

DUDU

Je fais comme je peux.

LILI

Mais vous pouvez plus rien. Vous êtes tout le temps fatigué, mal à la tête, vous y voyez plus rien, vous trébuchez sur une feuille morte. Vous avez fait votre temps, vous le comprenez ça ? Vous aviez dit que vous alliez tout arrêter et vendre. Vous l’avez dit oui ou non ?

       Elle revient au balai brosse et passe une serpillière sur le sol.

DUDU

Je l’ai dit.

LILI

Hé oui, il l’a dit. Et pis il le fait pas. Et qui c’est qui se crève au boulot ? C’est Lili ! Soulevez vos pieds !

       Ils lèvent leurs pieds et elle passe la serpillière en dessous.

LILI

Vous avez acheté le pain ?

DUDU

Ah non !

LILI

Et voilà ! En plus il perd la boule. Et comment qu’on va faire les sandwichs si y’a de la demande ?

DUDU

Aujourd’hui ? Avec le temps qu’il fait ?

LILI

Y’a pas de jour pour le sandwich.

DUDU

Je vais y aller.

LILI

Sûr que vous allez y aller. C’est pas moi qui vais encore me taper la balade sous la flotte.

DUDU

J’y vais, j’y vais, crie pas.

LILI

Je crie parce que vous voulez pas entendre ce qu’on vous dit. Arrêtez ! Profitez de la vie ! Laissez la place aux jeunes. Si vous vendez, moi, je connais une repreneuse.

       Elle a finit de laver. Ils baissent les pieds et boivent leur café, tête baissée comme des enfants qui ont fait une bêtise. Lili emporte le seau dans la remise. On l’entend rouspéter.

LILI (off)

Ça pue là dedans ! On dirait qu’il y a un rat crevé. Vous avez regardé s’il y’a pas un rat crevé ?

DUDU

Je sens rien.

LILI (off)

Y sent rien ! Je vous dis qu’il y a un rat crevé, moi.

       Gaby et Dudu se regardent en souriant.

LILI

Evidemment, quand on n’est même pas capable de sortir les poubelles le soir !

       Ils boivent cul-sec leur calva. Lili déplace les poubelles.

LILI (off)

Ooooooh, l’infection ! Un camembert ! Qui c’est qu’a foutu un vieux camembert derrière la poubelle ?

       Gaby et Dudu éclatent de rire. Lili arrive avec un camembert à la main.

LILI (off)

Vous savez même plus viser la pou… (elle apparaît)  Et ça rigole en plus ! (entre ses dents) Connards !

GABY

Mais calme-toi, Lili. Ça fait cinq minutes que t’es arrivée et tu cries, tu cries, tu cries.

LILI (en sortant dans la remise)

Hé ben oui, y’en a qui crient et y’en a d’autres qui disent rien.

GABY

C’est pour moi que tu dis ça ?

DUDU

Mais non, fais pas attention, elle est nerveuse.

GABY

Mais pourquoi elle est nerveuse ?

DUDU

Va savoir. Les femmes c’est souvent nerveux.

GABY

N’empêche, c’est pour moi qu’elle a dit ça.

DUDU

Qu’elle a dit quoi ?

GABY

Qu’y en a qui crient et d’autres qui disent rien.

DUDU

C’est pas pour toi, c’est en général.

GABY

Non, non, non, j’ai peut-être l’air idiot mais je suis pas bête. Elle a dit ça pour Joëlle.

DUDU

Mais non.

GABY

Mais si. Joëlle criait pas, elle disait rien mais elle est partie. J’ai bien compris.

DUDU

Je t’assure que tu comprends mal.

GABY

Non, non, je sais ce que je dis. C’était avec intention.

DUDU

Lili est pas comme ça.

GABY

Elle l’était pas, elle l’est devenue. Elle rigole parce que ma Joëlle a foutu le camp.

DUDU

On sait Gaby.

GABY

Elle est jolie Joëlle, hein ?

DUDU

Bien sûr.

GABY

Moi j’étais vachement fier de me balader dans le port avec ma Joëlle au bras. Tu te souviens, le dimanche, on venait jusque là, à pieds, on prenait un coup à boire…

DUDU

Je me souviens.

GABY

…elle, un diabolo menthe et moi une bière…

Ils sont dans leurs pensées.

…/…