Les p’tites gens (de 1814)

Genre : comédie historique

Distribution : 2 femmes 4 hommes minimum

Durée : 1h40

Editeur : L’Harmattan

Résumé :

Pièce composée de 12 tableaux et d’une chanson. Elle raconte 12 histoires de gens simples, habitant sur la minuscule île d’Aix, entre l’île de Ré et d’Oléron, pendant l’année 1814. Pour ces gens, les guerres Napoléoniennes sont vécues par le petit bout de la lorgnette, elles sont synonymes d’enfants soldats, de garnisons sur l’île et d’anglais au large. Mais sur l’île, la vie continue, les hommes et les femmes vivent de la mer, de culture, d’amour et de vin blanc. Les 12 tableaux parlent donc de la petite histoire et aussi de la grande Histoire. Des croyances rurales, de la traque d’un lapin, d’un gendarme condamné à éplucher des patates, d’un mutilé de guerre qui tente de se faire offrir des huîtres par des écaillers, d’une femme qui veut se faire passer pour homme et partir faire la guerre, d’une fiancée qui écrit à son homme parti sur le front d’Espagne, d’un Lucas qui fait sa cour à sa Madeleine tout en coupant du bois, d’un peintre gêné par une lavandière qui étale son linge, etc. Mille petites anecdotes qui sont la vie et la mort d’une poignée de petites gens d’une île presqu’oubliée sous Napoléon.

Pour vous le procurer, cliquer ici

Quelques mots : « C’est une pièce qui peut se jouer autant en plein air qu’en salle. Elle est pratique car la distribution est modulable, on peut la jouer à 3 hommes 3 femmes comme à 12 ou 15. On peut même y ajouter des figurants, des enfants, des chevaux, des musiciens, des chanteurs. Elle fournit aussi une belle galerie de personnages truculents. La palette des émotions est large et on peut tout jouer du rire aux larmes. On peut, bien sûr, modifier l’ordre des tableaux et également n’en présenter que quelques uns. Je me permets de préciser que cette pièce a été créée sur l’Ile d’Aix, le 3 Juin 2006, pour la manifestation « En attendant l’Empereur ». La pièce ne nécessite pas de décor. En revanche elle demande une certaine quantité d’accessoires crédibles.« 

Extrait

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LE SOLDAT REFRACTAIRE

Février 1814

       Le garnisaire se présente devant Marie suivi du maire.

LE GARNISAIRE

C’est vous la femme Dommey, mère du dénommé Jean-Baptiste Dommey ?

MARIE DOMMEY

C’est moi. Que vous lui voulez, vous que je ne connais point ?

LE MAIRE

En conformité de l’arrêté du 16 thermidor an 8, monsieur est commissionné par le sous-préfet pour…

LE GARNISAIRE

S’il vous plait monsieur le maire, vous êtes présent en tant qu’observateur alors restez en position d’observateur et laissez-moi m’exprimer comme je sais le faire.

MARIE DOMMEY

C’est quoi t’y donc qui vous amène cheu nous avec votre beau costume et votre beau parler. Nous sommes des gens pauvres, monsieur le général, la famine vide nos granges et nos estomacs.

LE GARNISAIRE

Je suis là pour recouvrer l’impôt occasionné par la désertion de votre fils, Jean-Baptiste Dommey.

MARIE DOMMEY

Mon fils l’a point déserté ! L’est pas parti !

LE MAIRE

C’est exact, officier, Jean-Baptiste n’est point déserteur mais réfractaire.

LE GARNISAIRE

La belle affaire ! Le tirage au sort l’a désigné conscrit, l’homme devait rejoindre le contingent, mais le contingent l’attend encore.

MARIE DOMMEY

Le pouvait pas nous quitter, le pauvre garçon. L’a jamais quitter l’île, le toit de la maison, le clocher du village. Le tremblait de tout son pauvre corps tout maigrelet.

LE GARNISAIRE

L’homme est passé sous la toise et devant la commission qui l’a déclaré apte, il devait partir !

MARIE DOMMEY

Ben oui, dame, le devait mais l’a pas fait. Quoi voulez y faire, là maint’nant ? L’y partira plus.

LE GARNISAIRE

Dans ce cas je prendrai pension ici ! Vous me donnerez le manger et le coucher et me verserez l’impôt de 4 francs par jour jusqu’au retour du dénommé Jean-Baptiste.

MARIE DOMMEY

Mais pourquoi que je vous donnerez tout ça vu qu’on n’a rien du tout ici ?

LE MAIRE

Monsieur l’officier est garnisaire, Marie, nommé par le sous-préfet.

MARIE DOMMEY

Garnisaire ? Mon dié, c’est vous général dont on dit tant de mal ? Que vous maltraitez les pauvres, vendez leurs biens, leurs meubles, faites pleurer les enfants, les chiens. L’on a même violé des fillettes par la Saintonge, d’après des on-dit.

LE GARNISAIRE

J’ai rien violé du tout et suis point général. Je viens chercher votre fils qui doit partir soldat et je resterai ici jusqu’au retour du fuyard.

LE MAIRE

C’est la loi, Marie, il faut vous y soumettre.

MARIE DOMMEY

La belle loi qui tient pas compte de la misère humaine ! Tout est bon pour l’armée ! Après la chair des cochons c’est la chair de nos fils qu’il lui faut au gros Napoléon ? Qu’il fasse un peu moins de guerre ! Qu’il laisse la terre reposer au lieu de la gorger de sang ! Vous entendez, général ? Mon gamin se videra pas comme un goret sur un champ de bataille.

LE MAIRE

Calmez-vous, Marie, rien ne dit que Jean-Baptiste partira sur le front.

LE GARNISAIRE

Ma bonne dame, je ne tiens pas à faire mourir votre garçon, je connais moi-même la douleur de perdre son enfant, mais je dois faire respecter cette foutue loi.

MARIE DOMMEY

Un soldat qui part est un soldat mort. Et cette foutue loi, comme vous dites, ne prévoit point d’exemption dont pourrait bénéficier mon gars ?

LE GARNISAIRE

Elle en prévoit bon nombre.

       Il sort un papier, le tend au maire.

LE GARNISAIRE

Lisez donc, monsieur le maire, je me suis fait dérober mes bésicles à Rochefort.

LE MAIRE

Principaux motifs médicaux de réforme: privation totale de la vue ; la perte totale du nez ; la mutité…

MARIE DOMMEY

Ben voilà ! Mon Jean-Baptiste c’est un taiseux. Dis jamais rien, réponds pas quand qu’on lui cause. C’est un mutite comme vous dites !

LE GARNISAIRE

La mutité est-elle reconnue par la médecine ?

       Marie fait signe au maire de continuer.

LE MAIRE

…les goitres volumineux ; les écrouelles ulcérées ; la perte totale d’un bras, d’une jambe, d’un pied, d’une main, le rachitis ; la claudication bien marquée…

MARIE DOMMEY

Ca y sait faire ! Faisait rire tout le monde à la fête de St Jean avec sa boiterie comme ça. (elle marche en boîtant)

LE MAIRE (continuant)

On trouve également dans un deuxième tableau : les grandes lésions du crâne ; la perte de l’œil droit ; la fistule lacrymale ; l’haleine infecte ; la perte des dents incisives ; les ulcères et tumeurs ; les bosses ; la gravelle ; les varices volumineuses ; les maladies de peau ; l’épilepsie…

MARIE DOMMEY

Si je comprends bien, y’a que les presque mort qu’ont le droit de pas mourir à la guerre!

LE GARNISAIRE

C’est la loi !

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