Lucie et la résistance

Distribution : 6 femmes 1 homme

Durée : 15 minutes

Résumé :

Lucie apprend à sa petite sœur à se défendre. La femme est trop souvent malmenée dans notre siècle et pour vivre sa vie comme elle l’entend, elle doit s’affirmer, affirmer ses idées, affirmer ses actes, affirmer et assumer ses désirs. Flora Tristan, Rosa Parks, Lucie Aubrac, Olympe de Gouges viennent lui prêter main forte et appuyer par l’exemple ce combat qui dure depuis la nuit des temps.

Extrait

…/…

Lucie parle en boxant, une phrase pour chaque coup.

LUCIE 1

Fais pas ci… fais pas ça… tiens-toi droite… écoute avant de parler… serre les genoux… tu crois que c’est une tenue ?… baisse les yeux… ne sois pas effrontée… c’est pas pour les filles, ça…

LA PETITE SŒUR (lui souffle)

J’suis pas ta copine !

LUCIE 1

J’suis pas ta copine… tu feras ce que tu voudras quand tu seras grande… ton frère c’est pas pareil, c’est un garçon… fais pas ton intéressante…

       Une femme est entrée discrètement sur le ring. Lucie s’arrête de boxer.

LUCIE 2

Bonjour, je m’appelle Lucie. Et toi ?

LUCIE 1

Moi aussi.

LUCIE 2

Comme c’est étonnant !

LUCIE 1

Et ma sœur s’appelle…

LA PETITE SOEUR

Je peux le dire toute seule !

LUCIE 1

C’est vrai, excuse-moi.

LUCIE 2

Et que fais-tu là, Lucie ? Tu apprends à te battre ?

LUCIE 1

Oui, j’apprends à me battre, pour moi mais aussi pour ma petite sœur.

LUCIE 2

Pour toi ?

LUCIE 1

Oui, pour faire ce que je veux de ma vie. Je crois que c’est à moi de décider si je veux aller par ici ou par là, si je veux faire tel métier ou tel autre, si je veux avoir un enfant ou deux ou dix ou pas du tout, si je veux aimer un garçon ou une fille, si je veux me marier ou pas, si je veux mettre un pantalon ou une jupe, avoir les cheveux courts ou longs…

LUCIE 2

J’ai compris, Lucie. Tu veux avoir droit au libre-arbitre.

LUCIE 1

Parfaitement. Les femmes se laissent trop dicter ce qu’elles doivent faire, moi j’ai une tête, un cerveau, un cœur et un corps comme tout le monde, je veux avoir les mêmes droits que tout le monde.

       De loin une femme intervient.

OLYMPE

Moi je disais, « si une femme a le droit de monter à l’échafaud, elle doit avoir le droit de monter à la tribune ».

      Les deux sœurs regardent la nouvelle arrivante comme une intruse. Peu à peu d’autres femmes viendront se joindre à elle.

LUCIE 2

Tu dis que la femme se laisse dicter ce qu’elle doit faire mais tu oublies un peu vite que d’autres avant toi ont mené des combats, qui peuvent paraître dérisoires à tes yeux, mais qui faisaient avancer leur cause, entendre leur voix, qui ajoutaient une miette d’émancipation à celles déjà engrangées, ces petites libertés qui te permettent ne serait-ce que d’apprendre la boxe, comme tu le fais en ce moment.

LUCIE 1

Oui mais je veux plus.

LUCIE 2

Et tu as raison. Car le combat n’est jamais fini, et la liberté n’est jamais un bien acquis, ni l’émancipation un but jamais atteint.

LUCIE 1

Alors vous êtes d’accord avec moi ?

LUCIE 2

Oui Lucie. Et pourquoi dis-tu que tu veux te battre pour ta petite sœur ?

LUCIE 1 (butée)

Parce que ! (elle donne un uppercut dans le vide)

LUCIE 2

Si tu n’as pas envie de le dire, tu as parfaitement le droit.

LUCIE 1

Vous êtes bizarre pour une femme âgée, vous semblez toute gentille mais on sent une sacrée volonté par-dessous, comme de la lave qui bouillonnerait à l’intérieur d’une montagne verte et douce. Qui êtes-vous ?

LUCIE 2

Je suis une femme de combat, moi aussi. Car beaucoup de femmes se sont battues avant toi, tu sais. Moi, au temps où ta grand-mère était encore jeune fille, je me suis battue contre l’ennemi de mon pays, de ton pays et aussi contre ceux qui voulaient la mort des juifs.

       Les femmes qui étaient à l’écart – et au nombre de trois à présent – s’approchent.

OLYMPE

Moi je me suis battue pour les Droits de la Femme et de la Citoyenne.

FLORA

Moi pour l’émancipation de la femme et pour le socialisme.

ROSA

Moi contre la discrimination raciale.

       Un homme regarde et écoute ces échanges, il est à l’écart, peut être en hauteur. Il est vêtu de blanc comme un arbitre.

…/…