Pericoloso

Genre : comédie

Distribution : 1 femme 1 homme

Durée : 1h40

Editeur : Art et Comédie

Résumé :

C’est l’histoire d’un homme et d’une femme. C’est donc une histoire d’amour ? Oui, mais l’homme a vingt ans de plus que la femme. C’est donc une histoire d’amour compliquée ? Oui, d’autant que lui ne veut plus aimer à cause d’une douleur ancienne. Et elle ? Elle ne veut aimer que lui qu’elle ne connaît pourtant pas et qui n’est pas spécialement gentil. C’est une drôle d’histoire d’amour ? Oui drôle, pas drôle, violente, passionnée, romanesque, folle, fulgurante, irraisonnée… Un peu comme dans la vie, en somme ? Oui. Et non. Et ça finit bien ?… Et vous, vous en avez encore beaucoup des questions ?

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Extrait

…/…

Dimanche 6 novembre 20h10

       Lumière normale. La porte est ouverte. Il n’y a personne dans l’appartement. Sur le fil pendent le pantalon et les sous-vêtements « Petit Bateau ». Annie et Pierre entrent en comparant leurs trousseaux de clés.

ELLE

Vous voyez, on ouvre quand même. Et on appelle ça des serrures de sécurité !

LUI

Oui, j’en parlerai au propriétaire le mois prochain.

ELLE

Montrez votre porte-clés. On a presque le même, regardez. Deux petites bouteilles. La vôtre c’est quoi ?….de l’apéritif ! La mienne c’est du shampooing.

LUI

Si ça se trouve on peut entrer dans tous les appartements avec une seule clé.

ELLE

On essaye ? Chez l’ivrogne du premier…il est encore au bistrot.

LUI

Non. Non, voyons ! Cela ne se fait pas. Vous ne parlez pas sérieusement ?

ELLE

Pourquoi pas ? Ce n’est pas pour voler c’est juste pour voir. On essaye les clés, on jette un petit coup d’œil, c’est tout.

LUI

Non, je ne suis pas d’accord.

       Pierre semble très contrarié. Il va accrocher son trousseau à un crochet et laisse Annie plantée sur le pas de la porte.

ELLE

Vous avez raison, cela ne se fait pas. D’ailleurs, je ne suis pas certaine d’être assez culottée pour le faire. Surtout toute seule.

LUI

Evidemment.

ELLE

Mais comme on dit : l’union fait la force…

       Un temps. Pierre ne fait rien de spécial mais tourne résolument le dos à Annie.

ELLE

Vous avez fini de dîner ?

LUI

A cette heure-ci toujours, je dîne tôt.

ELLE

Moi, j’ai dîné avant de partir. Je voulais rester le plus longtemps possible pour m’assurer que ma mère mangerait quelque chose…

LUI (sec)

Si vous voulez parler, entrez et fermez la porte ! Je ne chauffe pas le palier.

ELLE (vexée)

Oh non, je ne veux pas “ parler ”, comme vous dites. Je vous laisse, je vais chez moi. Merci quand même.

       Elle sort en claquant la porte. Il se précipite derrière elle, rouvre la porte à la volée. Il est furieux et hurle.

LUI

Dîtes donc petite peste, pour qui vous prenez vous ?…

Qui vous permet de me claquer ma porte au nez, hein ? Vous êtes un peu jeune pour ça, faut vous moucher d’abord, il reste un peu de lait.

      Annie entre et semble ne prêter aucune attention à la colère de Pierre.

ELLE (coquine)

Je suis certaine qu’on découvrirait des tas de choses amusantes chez le poivrot, un carnet avec des noms, des lettres, des photos…je ne sais pas…on trouve toujours quand on cherche.

       Elle s’avance vers lui en jetant des regards dans les coins.

LUI

Vous êtes terrible, vous. On entrouvre la porte et c’est tout de suite le courant d’air. Ah, vous ne manquez pas d’audace.

       Elle est très près de lui, l’agace avec son trousseau de clés.

ELLE

Moi aussi je cache des choses. Par exemple j’ai un cahier, rempli de trucs de fille. Je lui raconte tout, mes pensées, mes envies, ça fait des années, les dates de mes règles, mes culottes mouillées…tout. Si on le trouvait, j’aurais une sacrée honte mais c’est le risque… ça fait partie du plaisir de l’écrire.

LUI

Je déteste les petites pestes dans votre genre.

ELLE

Quand on boit c’est pour oublier, non ?

LUI

Pas toujours. Parfois c’est pour entretenir.

ELLE (chuchotant)

Derrière chaque porte il y a un secret, chez les ivrognes on multiplie par deux. On y va ?

      Elle agite ses clés. Il lui saisit la main avec rudesse.

LUI

Et pourquoi ne pas y aller de nuit, hein ? Le voir pendant son sommeil ? Les mystères de la nuit, ça ne vous excite pas ? Soulever les draps pour voir si le sommeil est agité. Peut-être même lui couper le cou comme à un poulet, tchac, tchac ! ! ! …

ELLE

Vous ne parlez pas sérieusement ?

LUI (agressif)

Est-ce qu’il m’arrive de parler autrement ?

       Il lui pince le bras.

ELLE

Aïe ! Mais vous me faites mal.

       Elle le pince aussi.

LUI

D’abord, est-ce que ça mérite de vivre un homme qui boit ? Répondez-moi ! Il boit le jour et cuve la nuit, quand est-ce qu’il vit ? Dites-le !

       Il lui donne une petite claque sur le bras.

ELLE

Aïe ! Mais qu’est-ce qui vous prend ? Arrêtez.

LUI

Je vous ai posé une question : vivre, qu’est-ce que c’est ? Vous qui avez la langue bien pendue, répondez. Vous voulez toujours qu’on l’ouvre sa porte ? Venez, je passe devant.

       Il la saisit par les cheveux et la tire en direction de la porte.

LUI

Vous allez voir comment c’est fait chez un homme seul. Derrière sa porte ça sent la vinasse, derrière sa gueule ça pue la vinasse. Sa peau, sa sueur, son jus c’est de la vinasse. Et dans son lit c’est comment ? Vous voulez le savoir ? C’est ça qui vous excite ?

ELLE

Lâchez-moi ! Vous êtes fou !

       Il la lâche. Elle se masse le crâne en reprenant son souffle.

LUI

Ça ne vous intéresse plus de fouiller dans le sordide ?

ELLE

Mais…ça ne m’a jamais intéressée…

LUI

Alors qu’est-ce qui vous intéresse, fouineuse ?

ELLE

Je ne sais pas… l’homme.

LUI

Ah, tiens, vous l’admettez. Vous êtes comme toutes les autres, une éponge entre les cuisses.

ELLE (vocifère)

Vous faîtes vraiment des histoires pour rien. Tout ça pour une minuscule indiscrétion. Ce que vous êtes coincé !

LUI (hurle)

Je vous interdis de hurler chez moi ! ! !  C’est facile. Moi aussi je peux hurler pour paraître costaud. Les cris, ça étouffe la trouille, hein ?