Place de l’Horloge

Genre : comédie

Distribution : illimitée

Durée : 1h40

Editeur : Art et Comédie

Résumé :

Une journée au cœur d’Avignon, en juillet, pendant le festival de théâtre.
La journée commence au matin, lorsque les terrasses sont nettoyées pour les premiers clients et se termine tard le soir, après les derniers spectacles, les dernières libations, les dernières paroles.
Sur cette place de l’Horloge qui est le cœur de la ville, se croisent les festivaliers, les touristes, les comédiens, les marchands ambulants, les clochards, les autochtones ; des hommes, des femmes, toute une humanité bigarrée, grouillante et vivante.
Et le manège de tourner chaque jour dans cette même ronde joyeuse.

Pour se le procurer, cliquer ici

Extrait

…/…

LA  RUPTURE

ELLE

Bon, qu’est-ce qu’il y a ? Pourquoi tu fais la gueule ?

LUI

Ne sois pas grossière.

ELLE

Je ne suis pas grossière, je te demande pourquoi tu fais la gueule.

LUI

Tu es grossière. Tu ne peux pas dire : la tête ? Pourquoi tu fais la tête, ça a la même signification.

ELLE

Absolument pas. Faire la tête c’est mignon, c’est un enfant qui fait la tête.

LUI

Non, il boude.

ELLE

Arrête de faire ton prof ! Toi, tu ne boudes pas, tu ne fais pas la tête, tu fais la gueule !

LUI

Pour faire la gueule, il faut avoir une gueule. Moi j’ai une bouche. Donc je ne fais pas la gueule.

ELLE

Hé bien tu fais la bouche, là, c’est mieux.

LUI

C’est moins grossier mais ça ne se dit pas : faire la bouche.

ELLE

Si, ça se dit ! Toi tu fais la bouche, ta petite bouche en cul de poule, toute petite, toute ridicule, toute coincée, constipée, pas aimable, qui va nous chier une pendule. Voilà, c’est clair ? Alors je peux savoir pourquoi tu vas nous chier une pendule.

LUI

Je ne discute pas avec toi, si tu gueules comme ça dans la rue. Tout le monde te regarde.

ELLE

Je ne gueule pas ! Pour gueuler il faut une gueule et moi j’ai une bouche. Et toc ! Alors je bouche, si tu veux, je bouche un peu fort mais je ne gueule pas.

LUI

T’es complètement stupide, ma pauvre fille.

ELLE

Qu’est-ce qu’il y a ? Mais dis-le. J’ai encore dit une connerie ? J’ai eu tort de t’emmener voir Pinter, c’est ça ? Je me suis bien tapée « L’enfoirade » hier soir. Oh, très drôle, très fin, humour ! Je ris, hihihi.

LUI

C’est sûr qu’avec Pinter on rit moins.

ELLE

Et alors ? On va pas passer dix jours à ne voir que des one man shows et des comédies ?

LUI

De toute façon Pinter n’y est pour rien.

ELLE

T’as raison. Tu fais la gueule même après les spectacles d’humour. En fait c’est moi qui te rends triste.

LUI

Pas toi. Nous.

ELLE

Compris.

LUI

Désolé de te le dire comme ça. Déjà, avant de partir j’avais le pressentiment que ça se passerait mal.

       Un « tracteur » intervient.

LE TRACTEUR

Bonjour, je peux vous donner mon flyer. On joue dans une demi-heure, à cent mètres d’ici, c’est facile à trouver, y’a un plan au verso, venez, vous regretterez pas, c’est un spectacle drôle.

ELLE

Alors donnez à monsieur, c’est lui le spécialiste du rigolo. Moi je suis spécialiste drame.

LE TRACTEUR

Bon…ben…je vous en donne deux. A tout de suite, peut-être.

LUI

Merci.

ELLE (lisant)

« Mon beauf en Calvitie »…Hé, machin, ce sera sans moi ! Et reprends ta merde, ça me salit les doigts.

       Le tracteur fait un geste de la main en s’éloignant rapidement.

LUI

Tu te crois maligne ?

ELLE

Faut faire son éducation. Il joue une merde en croyant que c’est du Molière.

LUI

Il a 20 ans.

ELLE

Et alors ! Raison de plus pour lui ouvrir les yeux. Il dormait où quoi pendant que son prof lui expliquait Voltaire.

LUI

Bon ça va, ça va. Si tu veux te faire détester par tout le monde au nom de la culture, libre à toi. Moi je suis moins intransigeant.

ELLE

Je ne suis pas intransigeante, je dis que « Mon beauf en Calvitie » est une merde, c’est tout.

LUI

Tu n’en sais rien, tu juges sans savoir. Si ça se trouve c’est très bien.

ELLE

Avec un titre pareil ? Regarde-moi en face, tu ne parles pas sérieusement ? Regardes-moi et répètes ça que j’en crois mes yeux.

LUI

Tu me fatigues.

ELLE

Toi aussi.

LUI

Si tu veux, on est tous les deux fatigués.

…/…