
Genre : tiré de Affrontements, recueil de 9 textes courts
Durée : 30min
Editeur : La Fontaine
Résumé :
Edouard ne parle plus à sa femme depuis vingt ans. Mais aujourd’hui il vient d’apprendre qu’il a un cancer. Il l’annonce donc à sa femme. Et l’avertit par la même occasion qu’il va « la faire chier, somptueusement chier » et ce jusqu’à son dernier souffle.
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Extrait
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EDOUARD
Simone !…. Simone, j’ai à te parler.
SIMONE
Allons bon, c’est nouveau ça ! Ça fait 20 ans que tu ne me parles plus.
EDOUARD
Qu’on » ne se parle plus, nuance. Mais tu as raison, c’est nouveau. C’est tout chaud, ça vient de sortir et tu es la première à qui je veux faire déguster le gâteau. Assieds-toi.
SIMONE
Je m’assiérai si je veux. J’ai perdu l’habitude d’obéir à tes ordres, figure-toi ! C’était bon dans le temps, quand j’étais jeune et ignorante…
EDOUARD
Oh ça oui, quelle gourdasse !!!
SIMONE
Mais maintenant c’est fini, je fais ce que je veux. Exerce tes besoins tyranniques sur ton chien, ta voiture ou tes vilains cheveux, mais moi, on ne m’assouplit plus. Fini la discipline. Je reste debout.
Un temps.
EDOUARD
Ca y est ? Tu as fini ?
SIMONE
Oui, vas-y, je t’écoute.
EDOUARD
Tu ne veux vraiment pas ?… t’asseoir…?…
SIMONE
Nan !!!
EDOUARD
Pourtant ce que j’ai à te dire va sûrement t’asseoir. Alors si tu n’as pas une chaise sous ton joli séant à ce moment-là, tu risques fort de l’endommager et de plus vilaine façon que ne le font déjà tes varices.
SIMONE
Ne parle pas de ce qui te tourne le dos depuis vingt ans, Edouard. Et sans regret crois-moi vu que tu n’as jamais été satisfaisant sur ce plan-là…non plus !
EDOUARD
Oooooh. Je pense que, autant que le magnésium, la mémoire te fait défaut, mon trésor. Laisse-moi te rappeler qu’en 1945, lors de mon retour de captivité, malgré mon état de faiblesse certain, ma maigreur désastreuse, les poux, la crasse et une forte odeur de topinambour, la première chose qui te vint à l’esprit en me voyant, ce fut la galipette. Oui ma chère. La somptueuse galipette du missionnaire que j’exécutais sans même ôter ma capote – je parle de ma capote militaire, bien sûr – et cette galipette, excuse-moi de te le dire, te surprit au point de te faire pousser des Oh ! et Ah ! comme au feu d’artifice du 14 Juillet !
SIMONE
Qu’il est bête ! Mais triple andouille, ça faisait cinq ans que tu te la coulais douce dans ton camp de prisonniers, cinq ans que, bêtement, j’étais restée fidèle. Alors même un escargot m’aurait tiré des cris d’amour, c’était pas un exploit. Ah la la, l’exploit n’a jamais été dans aucun de tes bagages, ça se saurait !
EDOUARD
Tu dis ça maintenant mais…
SIMONE
Je t’en prie, mon pauvre, ne fouille pas ton passé libidinal, tu vas te donner des spasmes pour rien.
EDOUARD
Hé bien disons que tu n’as jamais grappillé que ce que tu engendrais. La vigueur, ça se mérite, ça se provoque, ça se suggestionne, c’est comme l’appétit. Combien de fois me suis-je forcé à finir un repas dont je n’avais pas envie !
SIMONE
Ecoutez-le, il confond grosse bouffe et gastronomie. Mais mon cher, quand on confie un salsifis en cuisine, il ne faut pas s’attendre à ce qu’on vous serve des asperges.
EDOUARD
Cause toujours, tu m’intéresses ! De toute façon si je t’adresse la parole aujourd’hui ce n’est pas pour ressasser les quelques souvenirs de traversin que nous avons, ce n’est surtout pas pour les enrubanner d’une faveur… Foin du passé c’est au sujet du présent que j’ai deux mots à te dire. Le présent et le tout petit peu d’avenir qui nous reste.
SIMONE
Parle pour toi ! Je suis du bois dont on fait les centenaires, moi.
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