Une bière dans le piano

Genre : Comédie

Distribution : 2 hommes (ou 2 femmes dans « Burlingue »)

Durée : 1h20

Editeur : Art et Comédie

Résumé :

Ce titre a été donné à la première version d’une pièce écrite pour deux hommes. La pièce s’appellera par la suite « Burlingue » pour deux femmes. Il existe également une version mixte qui n’est presque jamais montée. Deux employés tatillons dans un bureau fonctionnel. Des dossiers, des piles de dossiers. Et des hommes empilés qui s’avachissent laborieusement sous la poussière de leur administration. Tout cela dure depuis des siècles, avec la petitesse, la mesquinerie, la hiérarchie et la rectitude en sautoir. Et puis un jour de trop plein surgit l’achoppement le plus bête qui prendra des allures définitives quand la connerie s’alliera à l’obstination la plus dérisoire. Les génocides naissent bien de misérables querelles. Alors, bien que le cœur continue désespérément de donner de la voix dans un corps sec livré au corps à corps, nos abonnés du bordereau ne se tomberont dans les bras que pour mieux s’étrangler. Et dire que nous pourrions être de ceux là !!!

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Extrait

…/…

Il va à sa porte, la ferme à clé, ôte la clé. Il revient en la montrant ostensiblement à Jacques. Puis, par le moyen que permet le décor, une fenêtre ou un W-C, s’en débarrasse. Il peut aussi la casser en deux morceaux.

Etienne

Voilà, mon gros, par cette porte il n’arrivera désormais plus rien. Je vous empoisonne, moi… je campe ici. Et nous verrons bien, au bout du compte, qui de nous deux aura raison.

Jacques glousse d’amusement. Il se lève, va lui aussi à « sa » porte et agit, en tout point, de façon identique à Etienne. A la fin de son exhibition, il revient à son bureau et arbore sa gomme.

Jacques

Et voilà ! Qu’est-ce que vous croyiez ? Vous pensiez camper ici, seul, et vous approprier ma gomme en dehors des heures légales de bureau ? C’est cela ?…. Raté. Match nul. Je reste moi aussi, et je garde ma gomme.

Etienne semble s’amuser comme un petit fou.

Etienne

Alors là, bravo ! Vous m’épatez. Vous êtes drôle. Je ne vous pensais pas capable d’un tel humour, d’une telle folie. Vos petites mines, là… (il le mime en se moquant) Quel talent d’imitateur ! C’était irrésistible. Mais….vous ne regrettez pas un peu votre geste ?

Jacques

Je vous emmerde, moi.

Etienne (redoublant de rire)

C’est bien… et drôle. De plus en plus drôle. Vous vous libérez ou bien vous craquez, Jacques ? Je ne vous ai jamais vu aussi détendu. Vous si constipé d’ordinaire, vous me sortez des mots d’une verdeur, d’une crudité…Mais enfin, c’est calculé tout ça. Car vous savez que d’ici un quart d’heure, la porte du fond s’ouvrira, pour le courrier à signer, et vous en profiterez pour aller geindre sur le semainier directorial avec la morve au nez du sale gosse qui vient de perdre sa dent de lait.

Jacques

Parlez pour vous, faux-cul. De nous deux, qui conspire, qui rapporte, qui se plaint ? Vous ou moi ?

Etienne

Qui présente ses vœux par écrit ?

Jacques

Qui les envoie par Interflora ?

Etienne

Qui lui offre du muguet pour le premier Mai ?

Jacques

Qui en offre à sa femme pour la fête des mères ?

Etienne

Et le buis pour les Rameaux ?

Jacques

Osez dire que vous n’employez pas l’imparfait du subjonctif pour l’impressionner ? « Il eut fallut que nous le sussions ».

Etienne

Et vous l’adverbe subséquemment à n’importe quelle sauce ? « Subséquemment je vous conseille la sole meunière ».

Jacques

Pauvre idiot ! Si vous n’aviez pas des ascendants aussi rupestres vous sauriez peut-être ce que causer français veut dire ?

Etienne

Rupestres ? Mon papa, ma maman ? Alors là !

Il ouvre un tiroir, en sort un dossier.

J’ai photocopié votre dossier, si vous voulez tout savoir, et je sais quelles sont vos origines, moi. Courlier, c’est pas vous, c’est un nom racheté à l’état civil et ça vous fait comme un joli sparadrap sur un vilain bobo. Car il s’appelle Poppott le Jacques, monsieur Jacques Poppott, avec deux p, pour que ça pète bien.

Jacques (sortant lui aussi un dossier)

Et si l’on parlait de grand-papa Touchpi ! Il est gratiné celui-là. Touchpi, il aurait pas raccourci son nom d’une syllabe des fois ?

Etienne

Taisez-vous ! Mon grand-père était une carte d’état-major, il avait le corps lardé de cicatrices. Ca partait des Dardanelles (il montre son cou), ça passait par Douaumont (il descend son doigt jusqu’à son sein gauche), par la cote 304 (il passe au sein droit) et ça se terminait à Arromanches (il descend jusqu’au sternum).

Jacques (se tournant le nez) En passant par les hospices de Beaune.

Etienne

Tout le monde ne peut pas boire du Vichy !

Jacques

Méfiez-vous Etienne, j’ai là (il sort du dossier une feuille toute froissée et recollée à l’adhésif) des poèmes de vous qui peuvent mener droit au harcèlement sexuel.

Etienne

Quoi ? Mais…mais..vous ne prétendez tout de même pas que j’ai…que je vous ai..

Jacques

Pas à moi, à la chef comptable.

(Lisant)

        » Il a fui, le minou, par grand peur de la flotte.   

       J’irai, s’il faut, le chercher dans votre culotte « .

C’est pas du Ronsard mais ça ne manque pas de piquant.

…/…